Devons-nous lutter contre les insectes en viticulture Agro-Synergique ?

Devons-nous lutter contre les insectes en viticulture Agro-Synergique ?

Nous sommes moins sujets à des dégâts par les insectes en viticulture en général et notamment dans ma région bordelaise ; les papillons des tordeuses de la grappe sont nos ennemis les plus agressifs, non parce qu’ils provoquent des pertes de récolte quantitatives, mais parce qu’ils facilitent ensuite, par les perforations de leurs larves, l’arrivée de la pourriture grise (Botrytis cinerea) qui elle peut altérer gravement la qualité d’une récolte (dés 5% des grains attaqués) au moment des vendanges. Les secteurs méridionaux voient de nouveaux lépidoptères se développer sur les grappes comme Cryptoblabes gnidiella certainement en relation avec le changement du climat.D’un site à un autre, d’une année à l’autre, la pression de ces insectes peut être très différente. Nous avons remarqué que les parcelles proches des axes routiers fréquentés ou des hameaux bénéficiant d’éclairage urbain sont nettement plus affectées car la lumière attire ces insectes nocturnes. A l’opposé, la proximité des haies et des forêts qui abritent leurs prédateurs animaux naturels (oiseaux et chauve-souris), le maintien d’un couvert végétal diversifié qui entretient une population d’insectes auxiliaires, réduit leurs attaques. Pour les tordeuses de la grappe, on distingue trois grandes catégories d’auxiliaires: les prédateurs, les parasitoïdes et les pathogènes. Parmi le premier groupe, on retrouve des insectes généralistes tels que les chrysopes, fourmis et des punaises prédatrices (Nabidae, Miridae et Anthocoridae) mais également des prédateurs plus spécifiques comme le syrphe Xanthandrus comtus. Les arachnides (araignées et opilions) jouent également un grand rôle dans la régulation des vers de grappe. Il ne faut pas oublier non plus la mégafaune prédatrice composée essentiellement des chauves-souris, des lézards et de certains oiseaux (mésanges). Le deuxième groupe est composé de nombreux parasitoïdes qui s’attaquent aux différents stades des vers de grappes : les trichogrammes pour les œufs, d’autres hyménoptères tels que l’ichneumon Campoplex capitator pour les larves ainsi que certaines mouches tachinaires. Enfin de nombreux pathogènes affectent le développement de ces ravageurs comme les champignons entomophthorales. L’Agro-Synergie doit absolument bannir l’usage d’insecticides chimiques ou biologiques non sélectifs pour maintenir un écosystème équilibré. Ce principe et la diversité des situations écosystémiques nous a naturellement conduit à privilégier la lutte biologique par confusion sexuelle (qui empêche la détection des femelles par les mâles et donc la ponte à l’origine des vers de grappe). Nous n’utilisions plus d’insecticides depuis 1985 avec l’emploi d’une autre technique de lutte biologique reposant sur l’emploi de bactéries Bacillus thuringiensis (BT), microorganisme spécifiquement toxique pour les larves de lépidoptères s’attaquant au raisin. La confusion sexuelle, bien que plus coûteuse, est plus efficace car elle nous évite de calculer précisément quand traiter au BT (les larves doivent être présentes à un stade relativement précis car il n’y a pas de rémanence de la protection). Les parcelles isolées ne peuvent pas être protégées efficacement par la confusion ; nous cherchons donc à fédérer d’autres viticulteurs pour créer des ilots de vignobles aussi grands que possible affin d’être techniquement et économiquement efficaces, sinon nous continuerons à utiliser le BT avec un piégeage nous permettant de suivre l’évolution des vols et de calculer la date de ponte en fonction des conditions microclimatiques. L’Agro-Synergie c’est donc aussi le partage des moyens, des expériences avec la fédération des actions (gestion phytosanitaire concertée à une échelle locale) afin de s’entraider contre l’adversité grâce à mutualisation de la connaissance, des moyens humains et des équipements techniques (prêts et échange de matériels et de travaux) pour augmenter l’efficacité des actions tout en réduisant leurs coûts. Le bannissement de tous les insecticides non spécifiques est absolument capital. Je me rappelle de l’enchaînement des pulvérisations de pesticides désastreux à spectre extrêmement large lorsqu’on cherchait à éradiquer des insectes indésirables dans les années 70 : tous les insectes étaient détruits. La nature ayant horreur du vide, la disparition violente des insectes entrainait systématiquement des pullulations d’acariens piqueurs, les araignées rouges et jaunes (Panonychus ulmi, Eotetranychus carpini, ainsi que le Tetranychus urticae) qui n’étaient plus consommés par les insectes et qui devaient à leur tour être éradiquées par des acaricides monstrueux…Les oiseaux locaux ne trouvaient plus pitance et disparaissaient à leur tour. Un cercle infernal et funeste! Sans pour autant nier une certaine influence nocive des pesticides sur les ennemis naturels des parasites, les différents travaux de CHABOUSSOU  ont montré que ces proliférations résultaient également, voire principalement, d’une augmentation du potentiel biotique des animaux nourris du feuillage traité (majoration de fécondité, de longévité, de fertilité, du nombre des femelles par rapport aux mâles chez les Acariens, etc…). Au reste, de nombreux pesticides font pulluler les Acariens par exemple, et ceci en dépit de leur innocuité vis-à-vis des ennemis naturels. Plus encore, les produits organochlorés utilisés en traitement du sol multiplient les Acariens sur les Pommes de terre cultivées sur le sol ainsi «désinfecté». Quant à la recrudescence des anciennes maladies ou au développement de nouvelles (viroses en particulier, maladies du bois…), ils ne sauraient s’expliquer par l’éventuelle destruction d antagonistes par les pesticides, ces derniers étant très rares ou inexistants. Aussi et sans pour autant le démontrer véritablement parle-t-on, dans ces cas, de «résistance» au pesticide en question. Or, tout comme pour les animaux, il s’agit, plus vraisemblablement, d’une multiplication d’origine nutritionnelle également provoquée par l’incidence néfaste sur la plante du fongicide, de l’herbicide, ou de l’insecticide, utilisés en traitements répétés. Peu à peu, il se développe aussi des souches résistantes des parasites. La situation demeure aujourd’hui compliquée quand on oblique le viticulteur à des pulvérisations préventives et obligatoires afin de détruire des vecteurs de maladie telle que la flavescence dorée (maladie de dégénérescence de la vigne causée par un phytoplasme) qui est véhiculée par d’autres insectes piqueurs : la cicadelle Scaphoideus titanus. Que l’insecticide soit chimique ou biologique (Spinosad™ extrait de bactéries Pseudomonas ou Pyrèthres extraits du Pelargonium), ces produits tuent quasiment tous sur leur passage car 1 CHABOUSSOU F. (1967), Étude des répercussions de divers ordres entraînées par certains fongicides utilisés en traitement de la Vigne contre le Mildiou, Vignes et Vins, n 160 et n 164, 22 p. CHABOUSSOU F., Moutous G. et Lafon R. (1968), Répercussions sur l’oïdium de divers produits utilisés en traitement fongicide contre le mildiou de la Vigne, Rev. Zool. Agric., pp CHABOUSSOU F. (1969), Recherches sur les facteurs de pullulation des Acariens phytophages de la Vigne, à la suite des traitements pesticides du feuillage, Thèse Fac. Sc, Paris, 238 p. Enregistrement C.N.R.S. A.O DEEP I.W. ils ne sont pas spécifiques… ! Des arrêtés ministériels et préfectoraux contraignants et des contrôles sur sites empêchent de se dérober. Il est effectivement indispensable de lutter contre le développement de cette maladie infectieuse sans aucun traitement à part la lutte contre son vecteur, mais il est indispensable aussi de cantonner cette lutte aux secteurs effectivement infectés et non à la totalité d’une région. Nous avons mis en place un groupement d’observation (GDON Libournais)  qui parcoure toutes les parcelles afin de détecter les pieds de vigne symptomatiques qui sont marqués puis obligatoirement ensuite éliminés depuis plusieurs années. Ainsi, l’année suivante seules les zones présentant un risque sont à traiter et pas les autres. La biodiversité est ainsi protégée autant que faire se peut. Quand il faut traiter, nous préférons employer le pyrèthre végétal, moins rémanent que le Spinosad™, pulvérisé la nuit car il disparaît rapidement sous le rayonnement ultra-violet du soleil, et qui affecte donc moins durablement l’écosystème ambiant sans produire de résidu dans le vin. En 2022, nous étions dans une zone sans traitement obligatoire. D’autres cicadelles (Empoasca vitis) peuvent parfois aussi envahir le feuillage de la vigne en fin d’été. Ces attaques sont localisées et toujours liées à un déséquilibre physiologiques ; elles peuvent facilement être enrayées par la pulvérisation de kaolinite calcinée, une argile bio qui dérange ces insectes sans les tuer. Leur pullulation est empêchée, le risque de dégât préjudiciable éliminé et les prédateurs naturels (coccinelles, punaises et oiseaux) font le reste ; il reste à s’intéresser à la correction du déséquilibre nutritionnel, la cause fondamentale, si ce désordre venait à se répéter.  A partir de 2023 nous mettrons en place un observatoire de la biodiversité de la faune et de la microfaune dans le vignoble afin de mesurer l’impact des pratiques phytosanitaires. L’implantation d’un rucher peut utilement servir de bio-indicateur de la qualité de l’écosystème proche et plus distant car les abeilles se déplacent à plusieurs kilomètres autour du site ; l’analyse du miel produit permettra également de rechercher la présence de résidus de pesticides et ainsi de qualifier objectivement la pureté de l’écosystème. 

https://www.gdon-libournais.fr/traitements_obligatoires.php

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