Dans le monde du vin, le Terroir « valise » est toujours brandit comme l’explication essentielle de la qualité du vin ; c’est sans doute juste. Mais il faut garder à l’esprit que, si l’essence du Terroir est avant tout liée à des qualités du milieu naturel, la nature n’intervient pas seule dans sa définition. Le travail de l’Homme est ici encore essentiel. Pour paraphraser R. DION 1 , nos contemporains ne se représentent plus ce qu’il a fallu de labeur et d’ingéniosité pour contraindre la Nature à donner ce que jamais, d’elle-même, elle n’eut offert à l’Homme. Ce travail a créé de nouveaux paysages qui sont devenus pour certains iconiques et font désormais l’objet d’une protection par l’UNESCO. 2 Certaines aires de production qui correspondent à des caractéristiques particulières ont inséré des limitations géologiques précises, mais toutes les situations ne se prêtent pas à être aussi strictes. Hormis des configurations pédologiques effectivement notablement impropres à la production de raisin de qualité, le génie humain a démontré qu’il était possible de produire de grands vins sur une très grande diversité de sols et de configurations. H. ENJALBERT 3 et G. SEGUIN 4 ont les premiers démontré que le seul élément déterminant pour garantir d’accéder à la production de « grands vins » (vs. les bons vins) est une fine régulation du régime hydrique de la vigne au moment de la véraison et pendant la maturation du raisin. Cette régulation est liée d’abord aux caractéristiques du sol et du climat bien entendu, mais il ne faudrait pas sous-estimer le travail de l’Homme pour maîtriser aussi ce paramètre clé. C’est ainsi que depuis des millénaires, selon les conditions pédoclimatiques, le vigneron gère la pente, construit des murets, établit des terrasses, creuse des fossés, posent des drains souterrains, construit des moulins pour assécher des marais, plante des haies, lutte contre l’érosion, irrigue, construit des caves et des châteaux : il créé des paysages et des Terroirs. Désormais, les moyens de l’Homme sont devenus plus puissants et la viticulture, souvent mais pas partout, une monoculture ; le paysage a pu à certains endroits s’appauvrir. Les mers de vignes ondulantes représentent bien un paysage viticole, mais leur biodiversité et leur résilience ont évidemment beaucoup souffert de cet envahissement. Aujourd’hui, la nouvelle génération a bien compris les limites de cet engouement passé. Le souci de la préservation et de la recréation d’un paysage, certes toujours viticole mais mieux intégré dans son environnement, devient donc une règle en Agro-Synergie. On voit aujourd’hui tout un chacun planter des haies, semer des fleurs, lever des murets, pour répondre au courant du temps, mais sans toujours beaucoup de logique et d’ambition si ce n’est celui de paraître ou de gagner des points qualifiants pour obtenir une certification et c’est bien dommage. Créer un paysage doit répondre à une double logique, celle de la géographie et de la topographie du lieu et celle aussi (et surtout) de l’utilité pour la vigne ! On voit ainsi les néo-vignerons planter des haies à tout va qui bloquent la circulation de l’air au printemps et qui provoquent le gel de leurs parcelles en empêchant l’évacuation de l’air froid ; on plante des jachères fleuries avec des fleurs exogène sans pouvoir mellifère et donc inutiles, on oublie de creuser le fossé là où on a planté la haie ; on créé des mares qui s’assèchent en été… Tout ceci est bien joli mais souvent futile, voire parfois dangereux. Les principes de la permaculture, qui devraient régir cette construction, obéissent a des règles de bon sens qu’il faut respecter tout en intégrant une dose de diplomatie pour gérer le voisinage souvent compliqué en viticulture. 1 Dion Roger. Querelle des anciens et des modernes sur les facteurs de la qualité du vin. In: Annales de Géographie, t. 61, n°328, 1952. pp. 417-431. DOI : https://doi.org/10.3406/geo.1952.13718 2 UNESCO 3 ENJALBERT H. (1975), L’histoire de la vigne et du vin : l’avènement de la qualité, éd. Bordas, 207 p. 4 SEGUIN G. (1983), Influences des terroirs viticoles sur la constitution et la qualité des vendanges. Bulletin de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin, 56, n° 623, 3-18