Greffer ou ne pas greffer la Vigne ? Là n’est pas la question.

Greffer ou ne pas greffer la Vigne ? Là n’est pas la question.

Le choix des porte-greffes et notre évolution au fil du temps Le porte-greffe est un élément capital de la viticulture. Le greffage sur des racines américaines est l’exemple parfait de la lutte biologique qui a permis de sauver de la disparition pure et simple le vignoble de Vitis vinifera du monde entier après l’invasion phylloxérique de la fin du XIXe siècle. Le phylloxéra de la vigne (Daktulosphaira vitifoliae) est une espèce d'insectes hémiptères de la famille des Phylloxeridae. C'est une variété de pucerons ravageurs parasite de la vigne, néobiote invasif venu de l'Est des États-Unis car importé par des botanistes en Europe et découvert en France en 1863. En 1869, Victor Pulliat crée la Société régionale de viticulture de Lyon et prône par des conférences et des cours le greffage sur porte-greffes d’origine américaine résistants pour régénérer la vigne française attaquée par le phylloxéra. Désormais nous vivons avec le phylloxéra qui infeste la quasi- totalité des sols à l’exception des sols sableux et des secteurs naturellement protégés par leur isolement géographique (îles) ou par une barrière sanitaire très stricte (Chili, Australie). Désormais les « francs de pieds » font leur retour et prônent un goût plus authentique que celui des vignes greffées, sans pour autant jusque-là avoir été capable d’en apporter une démonstration objective et irréfutable. Cette démarche très intéressante bien entendu reste malheureusement extrêmement circonscrite à un type de sol bien particulier et qui n’est pas dominant chez nous. Les sols de sable avec moins de 4% d’argile : la plage quoi (non j’exagère un peu)… Notre parcelle de Troquard à Saint-Emilion, d’où est originaire le cru de l’Archange des Vignobles Chatonnet, est implantée sur un sol superficiellement très sableux qui repose sur une mollasse argileuse bleue en profondeur ; il y sera un jour intéressant d’étudier une replantation alternative…d’ici 20 ou 30 ans peut-être…. ? En attendant, il ne fait pour moins aucun doute que le porte-greffe influence effectivement l’expression du V.vinifera sur lequel on l’a greffé. Diverses interprétations sont fournies (perturbation du flux de sève au niveau du cal de greffage, microbiote rhizosphérique modifié en raison d’exsudats racinaires différents qui altère en retour l’assimilation de certains micros et macroéléments du sol, équilibre phyto-hormonal différent générateur d’une vigueur amplifiée) . Ainsi, on peut expliquer sans doute que le greffage a profité au Merlot qui, avant le phylloxéra, était peu présent à Bordeaux car il se fécondait mal et avait un système racinaire pas toujours bien adapté aux sols locaux. Avec la greffe, sa fécondation et sa fructification furent bien meilleure grâce à un supplément de sucre provoqué par une rétention de sève élaborée au niveau de la greffe. Ce cépage se répandit ainsi rapidement au détriment du Malbec, jusque-là extrêmement répandu, car devenu sensible à la coulure et à la pourriture grise du fait d’une vigueur devenue pour les mêmes raisons excessive Pour autant, le greffage me paraît une solution de lutte biologique des plus intelligentes. Mais il faut raisonner très finement son choix car les erreurs se payent en dizaines d’années de mauvaise adaptation. Ainsi, nous avons notablement évolué ces trente dernières années en matière de porte-greffes. Après le gel de 1956 et les intenses replantations qui ont suivies, les pépiniéristes, mon grand-père maternel en premier lieu, ont incité les viticulteurs à replanter sur des racines relativement vigoureuses et possédant surtout, business oblige, une reprise au greffage très importante…Le 5BB et le SO4 ont fleuri à Bordeaux, mais leur mariage avec nos cépages c’est souvent révélé un désastre. Ces replantations d’urgence n’ont pas fait long feu et, dés la fin des années 1970, on a replanté, tout à l’opposé, sur des porte-greffes plus qualitatifs car nettement moins vigoureux, beaucoup moins à base de Vitis berlandieri et rupestris et plus de V. riparia (plantation et replantation sont les deux mamelles du pépiniériste…). Le choix des porte-greffes à disposition demeure aujourd’hui encore assez limité, peu de nouvelles créations sont apparues. Nous devons choisir les porte-greffes de nos vignes en fonction des caractéristiques locales du sol et du cépage envisagé. Désormais, nous ne plantons plus un seul porte-greffe dans une parcelle, mais éventuellement plusieurs selon les caractéristiques physiques de chaque partie ou micro-partie de son sol ; certains sols sont homogènes d’autres pas et nous procédons à leur caractérisation minutieuse pour optimiser l’adaptation avant plantation. Jusqu’à un passé récent nous avions tendance à toujours sélectionner des porte-greffes très peu vigoureux comme le Riparia Gloire de Montpellier (RGM) ; l’apparition de pluies plus importantes au printemps et surtout d’une sécheresse estivale récurrente ces dernières années, alors qu’elle était tout à fait exceptionnelle jusque-là, nous incite désormais à rechercher des racines plus performantes pour absorber l’eau en été tout en restant résistante à l’excès d’humidité temporaire éventuelle en début de saison : 101-14 MG, 3309-C, Gravesac, sont les plus communs, mais nous regrettons parfois le 196-17 Castel qui n’est quasiment plus produit aujourd’hui et qui possède pourtant sur le long terme d’excellentes caractéristiques sur certains types de sols particuliers, notamment ceux à hydromorphie temporaire au printemps. En climat plus aride, oublions les porte-greffes insuffisamment vigoureux, c’est-à-dire incapable d’assumer correctement le puisage de l’eau du sol en période de sécheresse afin de s’affranchir le plus possible de l’irrigation artificielle. Le Vitis berlandieri est bienvenu dans les croisements pour injecter cette capacité ici indispensable : 99-Richter, 110-Paulsen, 140- Ruggieri , Gravesac et parfois SO4 sont alors indispensables. Mais attention aux graves incompatibilités comme avec la Syrah ou le Pinot Noir…. 

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Phyllox%C3%A9ra#:~:text=Le%20phyllox%C3%A9ra%20de%20la%20vigne,'Est%20des%20%C 3%89tats% DUnis  D’Amico F, Candela M, Turroni S,Biagi E, Brigidi P, Bega A, Vancini Dand Rampelli S (2018) The Rootstock Regulates Microbiome Diversity in Root and Rhizosphere Compartments of Vitis vinifera Cultivar Lambrusco. Front. Microbiol. Root-associated bacteria promote grapevine growth: from the laboratory to the field Eleonora Rolli & RamonaMarasco & Stefano Saderi & Erika Corretto & Francesca Mapelli & Ameur Cherif & Sara Borin & Leonardo Valenti & Claudia Sorlini & Daniele Daffonchio Plant Soil (2017) 410:369–382 DOI 10.1007/s11104-016-3019-6

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