La gestion intelligente du feuillage de la vigne en Agro-Synergie

La gestion intelligente du feuillage de la vigne en Agro-Synergie

La vigne est une liane. Elle croît constamment tout au long de l’année et oblige le vigneron à contrôler le développement du feuillage. Sans intervention, le vignoble se convertit en une jungle inextricable. Ainsi, régulièrement, nous devons palisser, ébourgeonner (éliminer les pousses inutiles), épamprer (couper les repousses sur le tronc), écimer (couper la tête des tiges), rogner (réduire le développement du feuillage), tresser (pour ne pas écimer), écharder (éliminer les entre-cœurs) et effeuiller (enlever les feuilles faisant face aux grappes) chaque cep pour ordonner le développement du feuillage. Tout ce travail est réalisé manuellement. Il représente l’essentiel de notre main d’œuvre et de notre coût de production. Mécaniser la totalité de ces tâches est toujours impossible si on désire respecter le degré de précision que nous nous sommes fixés. Nous cherchons bien entendu toujours à favoriser le développement du feuillage et son exposition au soleil pour favoriser la photosynthèse de la plante le plus possible. Pour autant, un excès de feuillage peut induire un microclimat interne favorable aux maladies cryptogamiques en réduisant la ventilation de la canopée et en particulier de la zone fructifère, un ombrage excessif perturbera aussi la qualité de la maturation du fruit (arômes végétaux, composition phénolique altérée). Les tiges de l’année doivent être orientées et guidées individuellement (le relevage) pour obtenir une captation solaire parfaite puis une taille facile l’hiver suivant. Le feuillage doit être à la fois dense et transparent pour que l’air et la lumière le traverse de part en part. Facile à décrire mais compliqué à faire. C’est pourquoi les «petites mains » de nos vignerons et vigneronnes qui s’agitent en permanence de Mai à début Août, bien que mal connues, sont si importantes. Ce travail est souvent ingrat quand le climat est trop chaud ou trop humide et qu’il faut y aller sans tarder car la vigne elle n’attend pas…Je suis toujours reconnaissant du travail de ces « sans nom » qu’il faut infiniment respecter. Mais je ne sais jusqu’à quand nous trouverons la main d’œuvre volontaire pour ces travaux…Au- delà de l’écimage et du rognage, la mécanisation de ces opérations simples et délicates à la fois, n’est pas du tout évidente et leur coût ne cesse d’augmenter chaque année. Alors quand on prône le retour au tressage manuel des pousses plutôt que leur rognage mécanique, je comprends certainement l’intérêt d’un point de vue biologique, mais je suis incapable d’en répercuter le coût économique sur mes clients…Alors je m’abstiendrai de tresser, tout en rêvant à de futur robots capables de réaliser toutes ces tâches exigeantes et ingrates sans rechigner à un coût plus raisonnable qu’à la main. Là est certainement et peut-être malheureusement, le futur de la viticulture de haute précision. La question de l’effeuillage amène toujours une réponse complexe. Oui, non, quand, comment, pourquoi ? Pour chaque cépage et parcelle, les réponses peuvent être différentes. En pratique, l’effeuillage est destiné à exposer précocement à la lumière solaire les grappes nouvellement formées. On attend la pleine formation des grappes (nouaison) pour enlever les deux ou trois feuilles leur faisant face et ce sur un ou deux côtés selon l’orientation nord-sud ou est-ouest des rangées, la vigueur de la vigne, le sol (plus radiatif sur graves superficielles). Cette exposition a plusieurs buts. D’abord ventiler et assécher les grappes en années humides pour limiter leur attaque par des champignons parasites (mildiou, oïdium, black-rot et botrytis) ; ensuite favoriser une accumulation rapide et importante de tannins dans les pellicules. Ces tannins se transformeront ensuite plus rapidement et en plus grande quantité à la véraison en anthocyanes colorées. Enfin, éliminer les arômes végétaux (« poivron vert » lié à la présence de méthoxy-pyrazines) qui sont sensible aux ultra-violets du spectre solaire. Mais simultanément, en année particulièrement chaude, il faut éviter toute surexposition au soleil brûlant de manière à éviter l’échaudage des grappes qui aboutit rapidement à leur destruction. La surexposition des grappes au soleil au cours de maturation peut également entraîner une perte de fruit et un flétrissement accéléré du raisin avant sa récolte. Il faut donc être triplement prudent. L’équation est complexe chaque année car on ne sait jamais quelle météorologie nous est réservée dans le futur… Pour autant, l’effeuillage précoce présente statistiquement plus d’avantages que d’inconvénients s’il est réalisé avec modération. Nous le réalisons donc quasi systématiquement, mais en le dosant différemment selon les critères exposés plus haut, tandis que certaines parcelles peu végétatives ne le sont pas du tout. Adieu les défoliations quasi- totales commandées par certains consultants gourous dans les années 1990-2010 pour obtenir des fruits concentrés et « confiturés » qui plaisent, ou surtout plaisaient, au goût de certains consommateurs résidant outre-Atlantique. L’effeuillage manuel est plus précis, mais pas plus respectueux du raisin (la main blesse autant qu’un effeuilleur pneumatique bien réglé) et triplement plus coûteux. On comprendra là encore que pour des raisons bassement économiques nous ne puissions généraliser l’effeuillage manuel….Par contre, souvent les cabernets Francs et parfois le Malbec sont échardés manuellement car ces cépages produisent des entre-cœurs plus gros et difficiles à contrôler que ceux de nos Merlot ; un échardage bien fait est plus efficace qu’un effeuillage ! En cas d’épisodes caniculaires, tandis que les grappes sont désormais relativement exposées, il devient nécessaire de réduire le risque de brûlure. Ces dernières années nous ont contraints à réagir à plusieurs reprises. A l’image des crèmes solaires, nous pulvérisons préventivement à deux ou trois reprises une argile blanche bio (kaolinite) sur le feuillage et les grappes pour les protéger efficacement de l’excès de rayonnement en cas de besoin. Cette technique est en fait très ancienne et se retrouve sous le nom de « poussièrage » (pulveraîio, ύποκόνισις), décrite à l’antiquité sur tout le pourtour méditerranéen  par Columelle : au cours d'un bêchage autour des plants l'été on soulevait la poussière pour protéger les vignes du soleil. Amouretti Marie-Claire. La viticulture antique : contraintes et choix techniques. In: Revue des Études Anciennes. Tome 90, 1988, n°1-2. pp. 5-17
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