Le travail mécanique des sols est plus compliqué qu’il n’en a l’air et il possède des conséquences globalement négatives. Trop fréquent et surtout trop profond, il perturbe l’activité biologique des sols en accélérant la minéralisation de la matière organique, il détruit la structure stable des sols à dominante de particules fines (argiles, limons et sables fins), il réduit le travail de surface et de profondeurs des différentes catégories de vers de terre qui sont en fait nos vrais laboureurs. Il est cependant excessif de relier le déficit de vers de terre dans les sols au labour excessif…le simple tassement peut être une raison plus importante. Le labour superficiel peut donc être parfois utile pour décompacter un sol tassé, il est aussi nécessaire sous le rang mais doit demeurer ici très superficiel pour gérer l’excès d’adventices qui peut devenir excessivement compétitives ; il est sans inconvénient à condition de « prendre la terre » au bon moment comme le disent nos vignerons : ni trop sec, ni trop humide ; ni trop tôt, ni trop tard. Le suivi quantitatif des différentes catégories de Vers de terre et une mesure du niveau de compactage des sols peut-être mis en place afin de suivre la qualité de l’activité biologique et de la texture des sols en superficie. Si les labours sont bien à éviter le plus possible, l’usage des herbicides chimiques est à proscrire totalement en Agro-Synergie ! Sans jamais les avoir vraiment utilisés, nous les avons totalement abandonnés depuis 20 ans, mais cela seulement pour de bonnes raisons et pas pour celles classiquement invoquées par les écologistes obscurantistes. Contrairement à ce qui est avancé, les désherbants ne stérilisent pas le sol mais il est vrai qu’ils modifient profondément son microbiote. Il faut arrêter de parler de « sol mort » à tout va dès que le couvert végétal disparait en surface. Le microbiote du sol se modifie et s’adapte à ces nouvelles conditions et les vers de terres pullulent à nouveau. Néanmoins, il est certain que, outre le fait que le système racinaire de la vigne désherbé devient plus superficiel et donc plus sensible aux aléas climatiques avec une assimilation des nutriments également modifiée, il ressort de l’analyse des microbiotes du sol et de la plante 12 que l’emploi prolongé de molécules herbicides puisse, en altérant l’équilibre de l’écosystème microbiotique, favoriser l’émergence ou l’extension de maladies jusque-là discrètes et notamment de celles affectant le bois ! C’est pour moi un point absolument critique, actuellement largement sous-estimé, et qui pourrait expliquer une grande partie du désarroi des viticulteurs à ce sujet. Si les sols entre les rangs ne sont plus travaillés en labours depuis près de 20 ans, nous tenons par contre à travailler l’espace sous-le-rang, le cavaillon, avec un travail superficiel aux Chou
, MY., Vanden Heuvel, J., Bell, T.H. et al. Vineyard under-vine floor management alters soil microbial composition, while the fruit microbiome shows no corresponding shifts. Sci Rep 8, 11039 (2018). https://doi.org/10.1038/s41598-018- 29346-1 2 Role of the soil microflora in the definition and the development of the notion of ‘Terroir'. Can it affect the composition and the quality of the wines? Pascal CHATONNET XVIII CONGRESO NACIONAL DE ENÓLOGOS & II ENCUENTRO DE ENÓLOGOS DE IBEROAMERICA Palencia, Castilla y León, 4-6 de abril de 2019.
disques de chaussage (sur une profondeur de l’ordre de 10cm) pour ramener la terre sous la vigne dans le but de couvrir et d’étouffer les adventices concurrentielles, génératrices d’humidité et de moindre ventilation au niveau des grappes si elles n’étaient pas correctement contrôlées. Ce cavaillon est ensuite déchaussé (le pied est dégagé de son cavaillon) à la charrue décavaillonneuse traditionnelle, trois fois dans l’année en moyenne, comme nos anciens le faisait. Ce travail est nécessairement lent et méticuleux ; il nécessite technicité et précision pour ne pas couper accidentellement les pieds. Les équipements modernes
désormais disponibles ne font guère de meilleur travail car la vitesse est souvent privilgiée par rapport à la qualité…
Les Anciens attachaient une grande importance au déchaussage, on le voit spécifié dans certains baux ; Palladius après Columelle lui consacre plusieurs paragraphes. On utilisait un outil spécial, la dolabella, dont la forme ne doit pas être confondue avec celle de la grande dolabre et qui a survécu longtemps comme outil de vignoble. est probablement elle que l'on voit dans le vase représentant Héraklès travaillant sur les vignes de Syleus.
Compte tenu des surfaces en question et des moyens économiques, il n’est pas facile de généraliser le recourt à la traction animale pour réaliser ces travaux. L’animal réduit certainement le tassement des sols induits comparativement par le passage des lourds tracteurs car il ne repose jamais deux fois la patte au même endroit. Je ne formule aucune opposition à cette option. Bien au contraire, je regrette de ne pouvoir la mettre en œuvre à mon échelle de petit viticulteur pour des raisons techniques et surtout économiques. Mais surtout il faut éviter de se soumettre à la démagogie consistant à réserver une petite parcelle pour réaliser la jolie photographie…
Nous utilisons des tracteurs vignerons et surtout des enjambeurs (qui surplombent le rang) dont nous cherchons en permanence à limiter le poids de manière à réduire le tassement du sol. Oubliés les tracteurs puissants et massifs, polyvalents et séduisants mais excessivement lourds… Ce tassement est quoi qu’il en soit limité par l’enherbement permanent de tous nos
Amouretti Marie-Claire. La viticulture antique : contraintes et choix techniques. In: Revue des Études Anciennes. Tome 90,
1988, n°1-2. pp. 5-17
sols de manière à ce que la porosité détruite par chaque passage d’engin lourd soit
naturellement recréée par le système racinaire du couvert végétal. Le décompactage des sols périodiques (tous les 3 à 5 ans selon le sol) est de toute façon à recommander à condition d’utiliser des outils ne détruisant pas le profil du sol (dents fines et vibrantes, sans retournement du sol) et de réaliser ce travail quand la faune épigée et anécique des vers de terre est au repos en profondeur c’est-à-dire durant l’hiver.
Par la même occasion, le couvert végétal permanent dans tous les rangs nous permet de passer sur le sol sans risque d’enlisement après une pluie pour procéder aux pulvérisations nécessaires à la protection phytosanitaire en période critique.
Sur les sols les plus graveleux ou sableux qui possèdent moins de réserve utile en eau, il peut exceptionnellement s’avérer utile de détruire temporairement l’enherbement permanent en cas de sécheresse estivale prolongée afin de réduire la perte en eau et la concurrence néfaste vis-à-
vis de la vigne. On procède à un scalp superficiel : le couvert est simplement décollé du sol et se dessèche, mais il reprendra naturellement vie dès que les pluies d’automne seront de retour.