Un élevage des vins nourrissant et préparateur à un vieillissement harmonieux
La première étape qu’est la vinification se limite donc à révéler humblement le potentiel du raisin issu d’un lieu et de pratiques dans le cadre du climat d’un millésime. C’est une étape relativement active mais, contrairement à ce qui est souvent répandu dans les media, il n’existe pas de technologies œnologiques permettant de transformer du mauvais raisin en vin de qualité. Il existe seulement un ensemble de connaissance et de techniques permettant à l’Homme d’exprimer ce potentiel quand il n’est pas trop maladroit. Mais ce potentiel qualitatif reste à l’issue de cette étape encore fragile et incertain ; beaucoup d’options demeurent quant à son évolution dans le temps.
L’élevage doit amener l’expression juvénile du vin à un état de maturité et de stabilité beaucoup plus complexe et suffisamment résistant à l’ouvrage du temps. Mais la notion d’élevage noble est en fait assez récente. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le « vieillissement » du vin n’était pas toujours synonyme de bonification. Bien au contraire, dépourvu des connaissances physico-chimiques de base et de la notion même de microbiologie, les vins devaient être enlevés souvent avant le printemps pour qu’ils ne tournent pas en cave au cours de l’été et ce même dans les meilleurs crus…La notion et les pratiques de l’élevage sont finalement assez récentes. Bien entendu, il existait de ci de là, dans chaque région, dans chaque cave, des recettes ancestrales qui fonctionnaient plus ou moins bien. Mais c’est la compréhension fine des phénomènes physico-chimiques et microbiologiques à leur origine dans la deuxième moitié du XXe siècle qui a permis de mieux les maîtriser et les enseigner.
L’Agro-Synergie, une fois de plus, ne peut s’encombrer de limites à l’ambition de l’élevage du vin. En d’autres termes, toutes les options techniques sont envisageables pour atteindre le résultat que se fixe le vinificateur dans le respect de l’intégrité originelle du produit et de son Terroir. La mode des vins concentrés et boisés a sans aucun doute perdu de son attrait au cours des dernières années. Nombreux sont les vignerons qui recherchent plus « d’authenticité », de « transparence » dans leurs vins et on entend de plus en plus parler de «pureté». Mais qu’est-ce que cela veut dire, exactement ? Des vins exempts de défauts et d’artifices (un boisé trop imposant, par exemple), avec la notion « d’éclat » et de « précision » dans les arômes et la texture, quand tout semble à sa place, que le vin est harmonieux, qu’il exprime son origine et qu’il ambitionne (ou pas d’ailleurs) un futur.
Il n’est pas question en Agro-Synergie de revendiquer plus de « pureté », « d’authenticité » ou de je ne sais quoi, en interdisant ceci ou cela, mais seulement d’atteindre par les moyens à disposition l’objectif que l’auteur du vin s’est fixé. Il convient effectivement d’abord d’avoir un objectif, une idée de comment doit être et de comment doit évoluer le vin que l’on a choisi
d’élaborer dans le lieu où l’on se trouve et dans les conditions du millésime qui se sont imposées. Là encore l’immobilisme ou le non déterminisme n’ont pas leur place.
Il est fatiguant de toujours entendre les mêmes débats sur le « respect du fruit » grâce au rejet du bois de chêne, ou la mise en avant de je ne sais quel autre type de contenant (la terre cuite, la pierre, le verre…) pour valoriser une démarche au détriment d’une autre. Il faut honnêtement assumer ses choix, les revendiquer, sans pour autant décrier une solution différente qui opposera d’ailleurs des arguments tout aussi recevables. Un vin élevé sans bois de chêne par exemple n’est pas plus authentique qu’un autre, il est seulement non boisé ; il ne révèle pas non plus mieux son Terroir, il l’exprime simplement différemment. Tout est question de mesure, de style et d’ambition. Il existe des élevages relativement neutres, avec lesquels le vin n’évolue que par lui-même, et d’autres, plus assistés si l’on peut dire, où le vin sera nourrit par d’autres apports, non seulement parce que des substances étrangères au vin initial lui seront apportées, mais aussi et surtout, parce que des conditions particulières d’évolution seront créés et lui permettront d’atteindre un équilibre inenvisageable hors de ces conditions.
Le cahier des charges de la production Bio semble suffisamment restrictif et précis pour offrir toutes les options possibles et nécessaires pour élever, à tous les sens du terme, le vin que le vinificateur aura choisi de développer dans le cadre Agro-Synergique et le respect de ses origines.
Si l’on doit interdire ou restreindre quelque chose en matière d’élevage, il s’agira des revêtements ou des matériaux des contenants susceptibles d’altérer la composition du vin dans un sens qu’ils pourraient introduire des composés étrangers au vin néfastes à la santé, ou qui auront nécessités la mobilisation de moyens de fabrication néfastes globalement à l’environnement. Ainsi, les matières plastiques en général et les revêtements associés contenant des adjuvants susceptibles de migrer dans le vin et reconnus comme négatifs aux plans sanitaires ou environnementaux, sont des solutions à proscrire totalement dans le cadre Agro-Synergique.
Les techniques de traitement physiques appliquées au vin sont-elles également à bannir au prétexte qu’elles modifieraient artificiellement le profil du vin conféré par le raisin originel ? L’annexe II partie VI point 3.2 du RUE 2018/848 interdit les procédés de traitement physiques en Bio (et donc en Biodynamie). Mais alors en quoi ces procédés seraient-ils plus modificateurs des certains intrants œnologiques totalement externes au raisin mais qui sont eux bien autorisés ? La certification Biodyvin est plus cohérente, elle interdit tout sur le papier, mais « Les vignerons, qui jugent être dans la nécessité d’employer ces pratiques, s’engagent à mener des expérimentations et comparaisons pour justifier leur choix et essayer de développer des techniques alternatives afin de pouvoir progressivement minimiser leur utilisation » c’est très strict…. « Les opérations, lot par lot, concernant l’utilisation de produits œnologiques durant la récolte, la vinification, l’élevage et la mise en bouteille des vins devront être notés dans un registre de cave. » c’est plus facile ….Et l’ « honneur » est sauf si « Le vinificateur tient compte (autant que possible) dans son travail des positions planétaires et les consignera en même temps que les pratiques dans un registre de cave. On croit rêver…
En Agro-Synergie, entre un procédé physique et l’ajout d’intrants œnologiques bio, à l’exception des procédés de concentration applicable sur le vin fini et qui sont interdits de toute façon, on pourra préférer, s’il existe, l’utilisation du procédé physique (filtration tangentielle, électrodyalyse, échange d’ions, concentration du moût, dé alcoolisation partielle).
- Dans le cadre de nos vignobles, nous n’utilisons aucun procédé de traitement physique des vins.
- En ce qui concerne l’élevage, chaque profil de vin de nos vignobles bénéficie d’un itinéraire qui lui est propre. Certains ne sont pas élevés en barriques mais en cuve béton verré et en foudre de grande capacité pour éviter la présence de caractère « boisé » (La Croix Chaigneau 2e vin de Haut-Chaigneau) ; ces vins sont plutôt destinés à être consommés dans leur jeunesse et doivent donc présenter un profil plus proche de celui du fruit de base. D’autres seront élevés en barriques de chêne européen, avec des pourcentages de bois neuf variables selon les crus (maximum 30% pour Haut-Chaigneau, de 35 à 60% pour La Sergue de 50 à 80% pour l’Archange), des combinaisons d’origines de chênes et d’intensités de chauffe différentes avec deux tonnelleries partenaires principales. Le rythme des soutirages suit celui des saisons, soit environ tous les quatre mois mais sans règle, selon les besoins de chaque vin et plutôt en lune descendante. Les durée d’élevage en barriques varient selon les millésimes et les crus, de 12 mois (Haut-Chaigneau/La Sergue) à 14 mois en moyenne pour l’Archange. Les cuvées parcellaires de Haut-Chaigneau sont ensuite isolées en amphores et en œufs de béton pour continuer leur élevage hors du bois jusqu’à 18 mois ; les autres cuvées poursuivent de même en cuve béton verrée dans notre cuvier chai souterrain jusqu’à 24 mois. Les vins élevés en fûts sont sulfités à chaque soutirage à l’occasion de la désinfection des barriques par mèchage (brûlage de soufre) avec un réajustement éventuel pendant la période estivale de l’élevage.
Après une phase d’élevage actif en barrique destinée à nourrir et stabiliser les différents lots de vinification qui ne sont pas parfaitement assemblés à ce stade, une deuxième phase, plus passive, commence. Elle doit permettre aux différents éléments de chaque vin regroupé dans l’assemblage quasi définitif de s’intégrer définitivement. Ainsi, en passant d’une dynamique active à celle du temps long, nos vins sont préparés à leur long vieillissement en bouteille. La mise en bouteille interviendra entre 12 et 24 mois d’élevage au total, parfois plus, après un collage éventuel au blanc d’œuf frais décidé au pied du verre à la fin de l’hiver suivant la récolte. Une filtration légère est éventuellement réalisée au moment de l’embouteillage sur un medium adapté (1-3 µm) à la charge microbiologique du vin mesurée par analyse afin de prévenir toute déviation incontrôlée mais tout en s’interdisant toute filtration stérile sur membrane (<0,2 µm) alors que ce procédé agressif est de manière « surprenante » toléré en Biodynamie/Démeter... Les bouteilles entrent ensuite en bouteiller de vieillissement pour une durée de 6 à 60 mois selon les crus avant d’être mis en commercialisation. Les teneurs en dioxyde de soufre total doivent être à l’embouteillage, inférieures à 110 mg/l conformément au référentiel Biodynamie/Démeter (150 mg/l pour les vins conventionnels selon CEN°606/2009), nous oscillons selon les millésimes entre 55 et 80 mg/l avec une moyenne inférieure à 70 mg/l sur 5 ans conforme au référentiel Biodynamique le plus sévère (Biodyvin).